Les bières de Noël des brasseries artisanales alsaciennes passées au crible
Comme vous le savez à merveille, fin d’année rime (ou pas) avec Noël, cadeaux, bêtisiers télévisés ridicules, plats outrageusement gras mais diablement efficaces, ou encore bières de Noël en ce qui nous concerne. Certes, tout le monde n’est pas forcément adepte d’épices dans notre breuvage favori, mais il ne faudrait pas omettre que certains brasseurs savent très bien s’en passer, ou ne serait-ce que les employer avec modération. D’où l’idée de vous proposer ce petit tour d’horizon gustatif des différentes bières de Noël alsaciennes issues de nos chères microbrasseries, que nous avons pu faire passer dans nos gosiers, quitte à mettre en péril notre taux de gamma-GT.
Faut pas gâcher (© & ™ Guy Roux)
Mais avant toute chose, asseyez-vous bien au chaud devant la cheminée car Tonton Gaël a une petite histoire à vous conter, celle de la naissance de la bière de Noël, et donc des bières de Noël alsaciennes.
À l’origine, la bière de Noël peut s’apparenter au repas du dimanche soir, à savoir un mégamix des restes de la semaine.
En effet, avant la révolution brassicole du XXème siècle, et avec les problèmes de conservation qui sévissaient à l’époque, les brasseries du nord de l’Europe avaient pour habitude de se débarrasser des restes des récoltes de matières premières de l’année écoulée afin de faire place aux nouvelles. Pour ce faire, elles bazardaient tout dans un ultime brassin qui était alors plus malté et plus houblonné que d’ordinaire. Il en résultait donc une bière plus ambrée et plus forte en alcool… mais aussi plus piquée si elle était laissée en l’état, du fait d’ingrédients quelques peu passés. D’où l’idée d’y ajouter des épices et/ou du sucre afin d’arrondir tout ça.
Brassées durant le mois d’octobre pour être consommées à la fin de l’année par les employés des brasseries et les clients fidèles qui les recevaient alors en guise d’étrennes, ces breuvages étaient alors appelés “bières d’octobre”. Logique.
Bien plus tard, an de grâce 1985, c’est la brasserie bien de chez nous Schutzenberger qui a relancé le concept en bière de Noël. Pour notre plus grand plaisir ou non, c’est vous qui voyez, mais toujours est-il que la magie du marketing a rapidement pris le relai au point que ces recettes sont devenues un passage obligé pour toute brasserie ne souhaitant pas frustrer les intégristes de la tradition. Et un client déçu ou mécontent, c’est mal.
Tous les goûts sont dans la nature !
S’il est tout à fait légitime de regarder les bières de Noël avec un oeil méfiant/méprisant, il serait également dommage de ne pas faire confiance à nos amis les brasseurs. Qu’ils se décarcassent à essayer de faire preuve d’originalité ou tiennent tout simplement à respecter la tradition, chaque bière se veut différente. Très axée sur les épices, très peu ou pas du tout, il devrait y en avoir pour tous les goûts comme vous pourrez le constater avec le panel de bières de Noël alsaciennes relaté ci-dessous.
Bendorf – Sous la Neige (7%)
Visuellement, la bière de Noël de la brasserie Bendorf nous offre une couleur brune/rougeâtre avec une mousse correcte.
Le nez s’avère être très houblonné avec des notes de mangue, façon Panier de Yoplait (n’oublie pas ma comm’ Monsieur Danone).
On retrouve une grosse rondeur en bouche avec une texture douce et agréable. En terme d’arômes on tape plutôt sur les fruits rouges malgré l’utilisation d’écorce d’orange et de coriandre qui passent relativement inaperçus.
Bref, c’est très fruité, peu épicé, et par conséquent bien différent de l’ensemble des bières de Noël. On pourrait même dire qu’elle flirte avec le style IPA. Une curiosité parmi les bières de Noël alsaciennes.
Blessing – La Ravigote (5,6%)
Pas d’épices utilisées pour cette bière de chez Blessing.
Celle-ci arbore une couleur brune foncée accompagnée par une mousse plutôt opulente mais pas très tenace. Le nez est quant à lui assez terreux et poivré.
Elle est très riche en bouche avec de grosses notes maltées, mélangeant caramel et réglisse.
De ce fait elle est loin d’être déplaisante, mais se boit toutefois à petite dose.
Brasserie du Ried – Sapinus (5,5%)
La brasserie du Ried laisse libre cours à l’imagination quant aux jeux de mots les plus graveleux pour animer vos soirées ! Arem…
La présence d’épices n’est pas clairement évoquée.
Elle affiche une couleur ambrée bien limpide, accompagnée par une bonne mousse.
Le nez est très malté et un peu sur le grillé. On retrouve une bonne rondeur en bouche avec une faible amertume.
Bizarrement le début est pas mal axé sur le caramel et les épices, tandis que ça vire ensuite sur le bubblegum et la fraise en toute fin de bouche.
Bra’v – La Noël du Vignoble (6%)
De couleur brune foncée avec une mousse digne de ce nom.
Le nez est très axé sur le pain d’épices et la vanille, c’est bien agréable.
La texture est très douce en bouche avec une carbonatation délicate. Voilà qui est sympa.
Gustativement parlant, la Vignoble est excessivement axée sur la grosse panoplie des épices de Noël, clou de girofle et badiane en tête, et un peu caramel en toute fin de bouche.
C’est très chargé donc attention aux palais sensibles.
Matten – La Fouettarde II (7,3%)
Une couleur brune limpide avec ce qu’il faut de mousse qui tient pas trop mal, un nez agréable et bien parfumé sur les fruits rouges, voilà qui fait bien envie.
Techniquement il n’y a pas d’épices, mais on ressent un poil de poivré malgré tout.
En tout cas les houblons s’expriment plutôt pas mal selon les bons désirs de Jacek, brasseur de la brasserie Matten.
Bref, elle fait partie des bières de Noël alsaciennes “différentes” dira-t-on.
Perle – Liselotte Bière d’Hiver (5,4%)
La présence d’épices n’est pas évoquée sur l’étiquette de cette bière arborant une capsule mécanique, à l’instar de la Liselotte normale.
Elle affiche une couleur brune foncée avec une bonne mousse bien durable.
Au pif on tape sur le caramel alors qu’en bouche c’est très grillé, voire même un peu brûlé. Épices ou non, on retrouve peut-être un poil de réglisse en toute fin de bouche. En tout cas il y a un p’tit truc.
Perle – Noël (6,8%)
Oui encore une bière de Noël signée brasserie Perle, mais celle-ci est raccord avec la gamme habituelle du brasseur de la Meinau.
Couleur ambrée bien limpide, mousse honnête comme il faut.
Dotée d’un nez volcanique qui fait voyager en Islande (on s’comprend…), les notes en bouche sont quant à elles pas mal axées sur l’anis. Achtung aux réfractaires du Pastis ! Une pointe de réglisse vient également s’incruster en fin de bouche.
Elle a le mérite de mettre en avant des épices qui ne ressortent pas sur les autres bières de Noël évoquées sur cette page.
Sainte-Crucienne – Wihnacht’s Bier (7,5%)
Déjà testée par Stéphane il y a 2 Noël, nous en reparlons au cas où il vous l’auriez raté à l’époque.
Hors de la gamme hardcore et véritable de la brasserie (Sombre Hero, Orange Mécanique, Red is Dead, White Rabbit, etc.) , elle se colle donc aux côtés des Vivala et Manala dont la vocation est davantage… touristique.
Bref, nous avons là une couleur légèrement ambrée et bien limpide, ainsi qu’une mousse légère et pas trop tenace.
Le nez est quant à lui légèrement poivré et sur le coriandre.
Même notes en bouche qui sont très présentes et très marquées, donc attention aux palais sensibles. Le coriandre domine pas mal, ce qui peut donner une petite touche belge à l’ensemble. Pourquoi pas après tout.
Uberach – Au-delà de l’eau (5,5%)
De couleur brune claire, celle-ci est très trouble, comme bien souvent avec la brasserie.
Le nez est très très léger, un peu sur les épices (mais vraiment juste un peu).
Très légère également en bouche, dotée d’une faible pétillance…
Bon, c’est léger de partout, on ne ressent pas la cannelle évoquée sur l’étiquette, et elle est donc probablement adaptée à ceux qui sont habituellement traumatisés par les bières de Noël trop marquées. Voilà.
À noter que la cette bière de Noël existe aussi en version Bio.
L’essentiel c’est de participer…
Pour des raisons logistico-techniques, nous n’avons pu essayer la totalité des bières de Noël alsaciennes. Alors, à titre informatif, voici un complément de listing.
À noter que nous mettrons cet article à jour au cas où nous parviendrions à mettre nos paluches dessus.
3 Mâts – Flocons des Îles (??%)
Il s’agit d’une bière de blé (ou “blanche”) qualifiée d’”exotique” par le brasseur Erwin Sohn. Le filou a tenté l’originalité en y ajoutant du cacao issu de la chocolaterie strasbourgeoise Erithaj, ainsi qu’une pointe de cannelle et de vanille.
3 Mâts – La Bedonnante de Noël (9%)
Une bière de Noël brassée spécialement pour le bar Le Croque Bedaine à Strasbourg. Autant dire que ça envoie du lourd avec ses 9% d’alcool, et que ça doit être pas mal sympa en bouche sachant que de vrais morceaux de fruits secs ont été balancés dans le brassin (figue, datte, raisin, etc…).
Boum’R – Mezcal IPA (6%)
Là encore nous sortons des sentiers battus de la bière de Noël traditionnelle puisque le trio de Wettolsheim y va une fois de plus franco en terme de houblonnage, tout en ajoutant la dose de Mezcal lors de l’embouteillage. Il s’agit d’un alcool fort d’origine mexicaine issu de la fermentation puis de la distillation de coeurs d’agave. Oui moi aussi j’ai appris un truc en rédigeant cet article…
Bon, pour être honnête, il ne s’agit pas réellement d’une bière de Noël, mais plutôt d’une bière réalisée pour les fêtes de fin d’année. On va dire que c’est tout comme hein…
Joyeuses fêtes à toutes et à tous
Votre guide des bières de Noël alsaciennes en poche (ou du moins sur votre écran), il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter les meilleures fêtes imaginables. Des fêtes qui, on l’espère, feront la part belle aux brasseries artisanales du coin, qui ont une fois de plus travaillé dur toute l’année pour vous faire apprécier la bière, la vraie ! Des grosses bises de La Bière d’Alsace !